dimanche 21 décembre 2014

"Vous gardez le silence. En cet instant même, gardez-vous le silence?"

SILENCE, roman de Shûsaku Endô


Le roman raconte l’envoi en mission de deux prêtres portugais, Garrp et Rodrigues, au Japon, à la recherche du père Ferreira, qui fut leur maître, dont la rumeur dit qu’il a abjuré la foi chrétienne. Le Japon en ce début de XVIIème siècle a décrété une guerre sans merci contre les missionnaires et la foi chrétienne.
L’arrivée au Japon et les premiers mois sur ce nouveau sol sont racontés dans des lettres envoyées par Rodrigues au séminaire de Lisbonne. Ils sont cachés par des paysans chrétiens et nous découvrons l'existence rude de ces paysans qui risquent leur vie en cachant ces deux pères.
Découverts par délation, ils fuient chacun de leur côté à la découverte de ce pays, à la rencontre des chrétiens assoiffés de sacrements.
Le roman devient récit à la troisième personne ; le lecteur partage donc moins l’intériorité de Rodrigues. Trahi par le personnage ambigu de Kichijiro, Judas repentant qui hante le roman comme le remords fantomatique de Rodrigues, il va subir une pression impitoyable du gouverneur pour apostasier la foi chrétienne dans la cérémonie de l’éfumi qui consiste à piétiner la visage – banalisé – du Christ. Il endure une véritable torture psychologique et spirituelle ; lui qui était venu donner sa vie pour les Japonais, voit les chrétiens japonais donner sa vie pour le Christ dans des tortures inimaginables.
Dès lors se posent à sa conscience de terribles dilemmes ; doit-il abjurer sa foi pour sauver ces gens que leur apostat ne suffit pas à épargner ? En effet, le gouverneur veut éradiquer la foi chrétienne en arrachant ses « racines », pensant qu’elle mourra devant l’exemple de ces prêtres apostats. Dilemme aussi devant ce poison qu’on lui distille : le christianisme est-il vraiment une religion universelle ? Peut-il ne pas « prendre » dans le terreau japonais ? Donc son apostolat a-t-il vraiment un sens ? Et surtout cette interrogation vertigineuse et récurrente qui va donner son titre au roman: « Derrière le silence oppressant de la mer, le silence de Dieu … le sentiment qu’alors que les hommes crient d’angoisse, Dieu, les bras croisés, se tait ». Et ce début de réponse à la fin du roman: Jésus est mort sur la croix non pas pour ôter la souffrance du monde, mais pour la vivre dans toute son humanité et la partager avec l'homme.

La fin du récit apparaît très pessimiste, semblant mettre en valeur l’échec de ces missions évangélisatrices au Japon ; pourtant, la fin du roman qui est constituée du « Journal d’un fonctionnaire à la prison chrétienne » laisse entrevoir que même après la mort ou la  neutralisation des prêtres, le message chrétien n’a pas pu être éteint, la flamme, certes vacillante, brûle encore. Et nous reste cette évidence: un chrétien isolé est en danger.Mais la graine semée est plus forte que lui.