SILENCE, roman de Shûsaku Endô
Le roman raconte l’envoi en mission de deux prêtres
portugais, Garrp et Rodrigues, au Japon, à la recherche du père Ferreira, qui fut
leur maître, dont la rumeur dit qu’il a abjuré la foi chrétienne. Le Japon en
ce début de XVIIème siècle a décrété une guerre sans merci contre les
missionnaires et la foi chrétienne.
L’arrivée au Japon et les premiers mois sur ce nouveau sol
sont racontés dans des lettres envoyées par Rodrigues au séminaire de Lisbonne. Ils sont
cachés par des paysans chrétiens et nous découvrons l'existence rude de ces paysans
qui risquent leur vie en cachant ces deux pères.
Découverts par délation, ils fuient chacun de leur côté à la
découverte de ce pays, à la rencontre des chrétiens assoiffés de sacrements.
Le roman devient récit à la troisième personne ; le
lecteur partage donc moins l’intériorité de Rodrigues. Trahi par le personnage
ambigu de Kichijiro, Judas repentant qui hante le roman comme le remords fantomatique
de Rodrigues, il va subir une pression impitoyable du gouverneur pour
apostasier la foi chrétienne dans la cérémonie de l’éfumi qui consiste à
piétiner la visage – banalisé – du Christ. Il endure une véritable torture
psychologique et spirituelle ; lui qui était venu donner sa vie pour les
Japonais, voit les chrétiens japonais donner sa vie pour le Christ dans des tortures
inimaginables.
Dès lors se posent à sa conscience de terribles
dilemmes ; doit-il abjurer sa foi pour sauver ces gens que leur apostat ne
suffit pas à épargner ? En effet, le gouverneur veut éradiquer la foi
chrétienne en arrachant ses « racines », pensant qu’elle mourra
devant l’exemple de ces prêtres apostats. Dilemme aussi devant ce poison qu’on
lui distille : le christianisme est-il vraiment une religion
universelle ? Peut-il ne pas « prendre » dans le terreau
japonais ? Donc son apostolat a-t-il vraiment un sens ? Et surtout
cette interrogation vertigineuse et récurrente qui va donner son titre au
roman: « Derrière le silence oppressant de la mer, le silence de Dieu … le
sentiment qu’alors que les hommes crient d’angoisse, Dieu, les bras croisés, se
tait ». Et ce début de réponse à la fin du roman: Jésus est mort sur la croix non pas pour ôter la souffrance du monde, mais pour la vivre dans toute son humanité et la partager avec l'homme.
La fin du récit apparaît très pessimiste, semblant mettre en
valeur l’échec de ces missions évangélisatrices au Japon ; pourtant, la
fin du roman qui est constituée du « Journal d’un fonctionnaire à la prison
chrétienne » laisse entrevoir que même après la mort ou la neutralisation des
prêtres, le message chrétien n’a pas pu être éteint, la flamme, certes
vacillante, brûle encore. Et nous reste cette évidence: un chrétien isolé est en danger.Mais la graine semée est plus forte que lui.