lundi 14 juillet 2014
samedi 5 juillet 2014
" Tout est grâce "
Journal d’un
curé de campagne, de
Georges Bernanos
« La
parole de Dieu, c’est un fer rouge »
Ce
journal qui n’en est pas un : pas de dates, peu de lieux, est une
polyphonie magnifique sur la grâce, le christianisme, le mal.
Ce
curé dont nous ne connaîtrons jamais le nom, seulement l’âge à la fin, se
trouve confié une paroisse en pleine campagne, rude et austère, où il est épié,
jugé, jaugé. Là se jouent aussi des drames familiaux terribles, des
sous-entendus et jalousie destructeurs dans lesquels ses paroles simples et
inspirés mettent le feu en guérissant spirituellement certaines plaies.
Ce
curé à la fois humble et passionné, maladroit et juste, est au centre de cette
polyphonie où s’élancent des voix diverses de prêtres ou non : le doyen
de Blangermont, prêt à toutes les compromissions parce que « tout ce qui
existe doit être utilisé pour le bien » ; le docteur athée Delbende,
pour qui les courbettes faites aux riches par l’Eglise sont une trahison du Christ ; et la sublime figure du curé
de Torcy, chrétien passionné brûlé d’amour, révolté contre une certaine forme d’Eglise :
« L’Eglise dispose de la joie, de toute la part de joie réservée à ce
triste monde. Ce que vous avez fait contre elle, vous l’avez fait contre la
joie (…) Mais que vous servirez de fabriquer la vie même, si vous avez perdu le
sens de la vie ? (…) Ca ira encore tant que votre industrie et vos
capitaux vous permettront de faire du monde une foire, avec des mécaniques qui
tournent à des vitesses vertigineuses, dans le fracas des cuivres et
l’explosion des feux d’artifice. Mais attendez, attendez le premier quart
d’heure de silence. Alors, ils l’entendront, la parole, - non pas celle qu’ils
ont refusée, qui disait tranquillement : « Je suis la Voie , la Vérité , la Vie » - mais celle qui
monte de l’abîme : « Je suis la porte à jamais close, la route sans
issue, le mensonge et la perdition ».On sent vibrer dans ses paroles
« L’Evangile de la Joie ».
Ce personnage est le double accompli du jeune curé, le prêtre qu’il ne sera
jamais.
Ce
journal se lit aussi comme une mort programmée. Dès le début malade, le jeune
curé finit par cracher du sang et par mourir. Ce qui donne la figure ascétique
d’un prêtre ne se nourrissant que de pain et de vin ; dès lors cette
descente vers la mort se retourne en fait en un combat spirituel pour la
sainteté : tomber et se relever parce que « tout est grâce »,
même la mort. Quel contraste dès lors entre l’apparente platitude d’une vie
sobre et douloureuse et le feu spirituel qui l’anime : faire de son Jésus
le feu brûlant de son cœur. En effet, « l’enfer, c’est de ne plus
aimer ».
Bien-sûr,
le mal rôde, en la personne notamment de Mlle Chantal, mal en elle et diffusé
autour d’elle. Le mal qui vient des mots, de la médisance pour nuire et
détruire. Pourtant Dieu, par l’intercession du curé, a réussi à vaincre la
révolte blasphématoire de sa mère. Le
Mal « ne sera toujours qu’une ébauche, l’ébauche d’une création hideuse,
avortée, à l’extrême limite de l’être ». Ainsi, la voie est-elle de se
guérir, dans le cœur de Jésus Christ, qui est la seule paix.
Roman
sublime fait de contrastes, passion et rigueur, feu et sobriété.
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