samedi 5 juillet 2014

" Tout est grâce "

Journal d’un curé de campagne, de Georges Bernanos

« La parole de Dieu, c’est un fer rouge »


Ce journal qui n’en est pas un : pas de dates, peu de lieux, est une polyphonie magnifique sur la grâce, le christianisme, le mal.

Ce curé dont nous ne connaîtrons jamais le nom, seulement l’âge à la fin, se trouve confié une paroisse en pleine campagne, rude et austère, où il est épié, jugé, jaugé. Là se jouent aussi des drames familiaux terribles, des sous-entendus et jalousie destructeurs dans lesquels ses paroles simples et inspirés mettent le feu en guérissant spirituellement certaines plaies.

Ce curé à la fois humble et passionné, maladroit et juste, est au centre de cette polyphonie où s’élancent des voix diverses de prêtres ou non  : le doyen de Blangermont, prêt à toutes les compromissions parce que « tout ce qui existe doit être utilisé pour le bien » ; le docteur athée Delbende, pour qui les courbettes faites aux riches par l’Eglise sont une trahison  du Christ ; et la sublime figure du curé de Torcy, chrétien passionné brûlé d’amour, révolté  contre une certaine forme d’Eglise : « L’Eglise dispose de la joie, de toute la part de joie réservée à ce triste monde. Ce que vous avez fait contre elle, vous l’avez fait contre la joie (…) Mais que vous servirez de fabriquer la vie même, si vous avez perdu le sens de la vie ? (…) Ca ira encore tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront de faire du monde une foire, avec des mécaniques qui tournent à des vitesses vertigineuses, dans le fracas des cuivres et l’explosion des feux d’artifice. Mais attendez, attendez le premier quart d’heure de silence. Alors, ils l’entendront, la parole, - non pas celle qu’ils ont refusée, qui disait tranquillement : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » - mais celle qui monte de l’abîme : « Je suis la porte à jamais close, la route sans issue, le mensonge et la perdition ».On sent vibrer dans ses paroles « L’Evangile de la Joie ». Ce personnage est le double accompli du jeune curé, le prêtre qu’il ne sera jamais.

Ce journal se lit aussi comme une mort programmée. Dès le début malade, le jeune curé finit par cracher du sang et par mourir. Ce qui donne la figure ascétique d’un prêtre ne se nourrissant que de pain et de vin ; dès lors cette descente vers la mort se retourne en fait en un combat spirituel pour la sainteté : tomber et se relever parce que « tout est grâce », même la mort. Quel contraste dès lors entre l’apparente platitude d’une vie sobre et douloureuse et le feu spirituel qui l’anime : faire de son Jésus le feu brûlant de son cœur. En effet, « l’enfer, c’est de ne plus aimer ».

Bien-sûr, le mal rôde, en la personne notamment de Mlle Chantal, mal en elle et diffusé autour d’elle. Le mal qui vient des mots, de la médisance pour nuire et détruire. Pourtant Dieu, par l’intercession du curé, a réussi à vaincre la révolte blasphématoire de sa mère.  Le Mal « ne sera toujours qu’une ébauche, l’ébauche d’une création hideuse, avortée, à l’extrême limite de l’être ». Ainsi, la voie est-elle de se guérir, dans le cœur de Jésus Christ, qui est la seule paix.

Roman sublime fait de contrastes, passion et rigueur, feu et sobriété.    



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