Nouvelle histoire de
Mouchette, Georges Bernanos
Ce roman sombre se déploie dans
un univers où nulle lumière n’apparaît jamais , à l’image d’un climat noir
et pluvieux obscurci encore par les taillis, par une nuit qui semble
omniprésente. Ronces symboliques qui étouffent le cœur de l’homme. C’est le
monde rude des paysans, comme si le travail et la pauvreté avaient durci leurs membres,
asséché leur cœur et atrophié leur intelligence. Le seul feu : l’alcool
qui les détruit encore plus dans une illusion de chaleur.
C’est là que vit Mouchette,
fragile comme une petite mouche, et comme elle entourée d’immondices et de
détresse. Mouchette et ses quatorze ans que la mort va happer au final d’une
vie de misère. Elle fait partie de ces misérable, plus désespérés que ceux d’Hugo
parce qu’aucun salut ne s’ouvre, même pas celui de la vieille Philomène qu’on
croit pouvoir un temps offrir un espoir à Mouchette. Mais la mort l’habite trop
pour qu’elle puisse aimer vraiment.
Le mal est partout : dans la
nature sans pitié, dans le travail des hommes, dans leur cœur. Un mal dont les
personnages ne parviennent pas à s’extraire parce qu’ils ne parviennent pas à
poser sur lui un regard réflexif. Il se retourne alors contre eux dans une
fatalité tragique, à l’image de ce qu’il advient dans le cœur de Mouchette. Le
mal qui lui vient de l’extérieur, qui l’atteint dans un paroxysme de violence
avec le viol, s’alimente lui-même dans la honte, le dégoût, comme si la
souillure était non plus un acte extérieur subi, mais était devenue elle-même,
empêchait toute révolte orgueilleuse. Dès lors le suicide final, dans une eau
trop vaseuse pour être purificatrice, apparaît comme la seule issue tragique
puisque même la parole qui lie les hommes est amputée.
Si le viol est l’image grotesque
et avili de l’amour, tous les liens d’amour sont défigurés : l’amour
conjugal, filial, mais aussi la bienveillance entre un maître et son élève ;
l’amitié, elle, est inexistante. Sur ce néant de l’humanité, cette solitude sans
nom où l’homme meurt de dégoût de soi et d’indifférence, plane immense et
terrible, une monumentale absence, dont le vide même résonne comme un appel
assourdissant.
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