lundi 14 juillet 2014

"Leurs paroles n'ont plus de pouvoir, elles sont comme la poussière qui sort du van quand on vanne"

Nouvelle histoire de Mouchette, Georges Bernanos


Ce roman sombre se déploie dans un univers où nulle lumière n’apparaît jamais , à l’image d’un climat noir et pluvieux obscurci encore par les taillis, par une nuit qui semble omniprésente. Ronces symboliques qui étouffent le cœur de l’homme. C’est le monde rude des paysans, comme si le travail et la pauvreté avaient durci leurs membres, asséché leur cœur et atrophié leur intelligence. Le seul feu : l’alcool qui les détruit encore plus dans une illusion de chaleur.

C’est là que vit Mouchette, fragile comme une petite mouche, et comme elle entourée d’immondices et de détresse. Mouchette et ses quatorze ans que la mort va happer au final d’une vie de misère. Elle fait partie de ces misérable, plus désespérés que ceux d’Hugo parce qu’aucun salut ne s’ouvre, même pas celui de la vieille Philomène qu’on croit pouvoir un temps offrir un espoir à Mouchette. Mais la mort l’habite trop pour qu’elle puisse aimer vraiment.
Le mal est partout : dans la nature sans pitié, dans le travail des hommes, dans leur cœur. Un mal dont les personnages ne parviennent pas à s’extraire parce qu’ils ne parviennent pas à poser sur lui un regard réflexif. Il se retourne alors contre eux dans une fatalité tragique, à l’image de ce qu’il advient dans le cœur de Mouchette. Le mal qui lui vient de l’extérieur, qui l’atteint dans un paroxysme de violence avec le viol, s’alimente lui-même dans la honte, le dégoût, comme si la souillure était non plus un acte extérieur subi, mais était devenue elle-même, empêchait toute révolte orgueilleuse. Dès lors le suicide final, dans une eau trop vaseuse pour être purificatrice, apparaît comme la seule issue tragique puisque même la parole qui lie les hommes est amputée.

Si le viol est l’image grotesque et avili de l’amour, tous les liens d’amour sont défigurés : l’amour conjugal, filial, mais aussi la bienveillance entre un maître et son élève ; l’amitié, elle, est inexistante. Sur ce néant de l’humanité, cette solitude sans nom où l’homme meurt de dégoût de soi et d’indifférence, plane immense et terrible, une monumentale absence, dont le vide même résonne comme un appel assourdissant. 

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